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l'homme paysage / libération


http://www.liberation.fr/culture/2006/12/23/grandeur-nature_61018
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Grandeur nature

Aussi étonnant que cela puisse paraître, «L'homme-paysage»est «la première exposition organisée en France sur ce thème» ainsi que le rappelle Jeannette Zwingenberger, la commissaire générale, assistée par Alain Tapié, le directeur du palais des Beaux-Arts de Lille, où la manifestation est présentée. Le sujet est pourtant important et vaste, comme le montre la période ici couverte, qui va du XVIe siècle à nos jours et, plus précisément, d'une huile sur toile, Flora (v.1580) de Giuseppe Arcimboldo, à une photo de la série Autoportaits incognito d'Agnieszka Podgorska (née en 1977 en Pologne, elle vit aujourd'hui à Dijon).

Acrobatique. Composé d'une centaine d'oeuvres, moitié anciennes, moitié contemporaines, l'ensemble prend le parti d'un accrochage, non pas chronologique, mais thématique. A l'exemple même d'une sculpture de 2004 d'Anish Kapoor (né à Bombay en 1954, il vit depuis longtemps à Londres), installée dès l'entrée et qui se veut un lien, un peu acrobatique, pour faire rentrer l'expo dans le cadre de Lille 3000 et de son versant indien, «Bombaysers de Lille». La sculpture voisine d'ailleurs avec une photographie digitale de Jean Daviot, elle aussi récente (2005).

Le parcours se développe ensuite sur quatre parties, «l'homme végétal»; «l'homme minéral»; «l'homme paysage anatomique» et «l'homme paysage érotique», pour montrer tous les aspects de ces visions du paysage anthropomorphe, de ces «représentations de la nature métamorphosée, à la fois mirages esthétiques et projections de fantasmes...» comme l'indique le propos même de l'expo. A l'image, dans la première partie, d'une très significative oeuvre de Giuseppe Penone (la Natura delle Foglie, quatre verres avec bandes adhésives de 1990) qui évoque parfaitement le phénomène d'arborescence et de croissance, ou d'une très belle photographie de l'artiste chinois Huang Yan évoquant un paysage peint sur un haut de corps, buste et bras.

Cabinet de curiosité. La plupart des oeuvres sont extrêmement bien choisies. Une autre petite partie, plus historique, est ainsi conçue comme un cabinet de curiosité et comme une mise en abîme de l'exposition dans son ensemble, avec une météorite datée du XVIe siècle en face du Globe céleste (1693) de Vincenzo Maria Coronelli. On y découvre des tableaux rarement montrés, en provenance essentiellement de collections privées comme la toile d'Arcimboldo précitée, ou un Paysage anthropomorphe du XVIIe siècle attribué à Matthaüs Merian l'Ancien. Il s'agit d'un tableau à double image, de loin un paysage et, lorsqu'on se rapproche, un visage, avec la végétation qui devient barbe, cils et moustache, les rochers qui se transforment en nez et l'oeil en source.

Un tableau d'autant plus significatif qu'il est le point de départ de l'expo et qu'il incarne parfaitement les passages d'un microcosme à un macrocosme, l'image de l'homme comme incarnation des quatre éléments et le principe qu'une forme n'est jamais figée, mais toujours dynamique. Il pose en outre parfaitement certaines questions, notamment qu'est-ce qu'une forme; où commence-t-elle et où finit-elle; comment la perçoit-on en fonction de l'angle de lecture (différentes anamorphoses sont d'ailleurs présentées), etc.
Cloisons. Malheureusement, les angles de vue ne sont ici pas facilités par un accrochage qui, quelquefois sur des cloisons aux allures d'échafaudages, ne met pas toujours les oeuvres en valeur, comme un beau dessin de Raffi Kaiser en hauteur et peu visible. C'est d'autant plus dommage que l'ensemble est riche et intelligemment pensé. 

DEBAILLEUX Henri-François

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